Interview de Ibrahim Abdou El Mahad. « Le shikomori est un choix naturel »
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Interview de Ibrahim Abdou El Mahad. « Le shikomori est un choix naturel »


Ibrahim Abdou El Mahad, jeune comorien originaire d'Iconi, étudie la chimie à Madagascar. Il vient de publier aux éditions Coelacanthe le premier recueil de poèmes en comorien.

Vous êtes le premier poète comorien à publier un recueil en shikomori, pourquoi avez-vous choisi cette langue ?

Je pense qu’il n’y a rien de plus naturel pour un poète comorien que d’écrire en shikomori. Donc pour moi c’est un choix tout à fait naturel. Cependant, je pense aussi que si j’écrivais en français, je n’aurai pas été aussi motivé. J’ai été motivé par le fait que notre langue tend à disparaitre. On nous apprend la poésie française mais on oublie que notre langue est une langue poétique aussi. Ecrire en shikomori est une façon pour moi de contribuer à redonner vie à notre belle langue, à conserver cet héritage dont nous pouvons être fiers.

Quels sont les thèmes que vous abordez dans ce livre ?

J’ai abordé plusieurs thèmes dont l’amour, la mort, l’amitié et bien d’autre encore que je laisse aux lecteurs le soin de découvrir …

Parmi ces thèmes c’est l’amour qui domine, l’amour en shikomori est-il différent de l’amour en français ?

Il faut avouer qu’il est plus facile d’atteindre certaines dimensions en amour lorsqu’on écrit en français que quand on écrit en shikomori, comme il l’est en arabe plus qu’en français. A mon avis, certains thèmes sont beaucoup plus abordables dans une langue que dans une autre.

Vous êtes jeune, que savez-vous des tourments de l’amour ?

Le terme « jeune » est relatif surtout lorsqu’il doit être utilisé pour quelqu’un qui approche la trentaine. J’ai connu l’amour fou et déroutant, l’amour doux et fleurissant, l’amour solitaire, et l’amour égoïste. J’ai aimé et j’ai été aimé de toutes les manières. Donc, oui, je suis un jeune poète mais pas un jeune amoureux. Il faut savoir que je n’ai pas choisi ce thème pour être un thème central, moi-même j’ai été surpris quand j’ai réuni mes poèmes de voir que j’ai écrit beaucoup plus sur l’amour que sur les autres thèmes.

A l’origine vous n’êtes pas un littéraire, qu’est-ce qui vous inspire ?

Je pense que nous sommes tous des poètes quelque part. Seulement le monde appelle poète celui qui parvient à exprimer ses impressions avec les mots. Je suis né et j’ai vécu dans le monde soufi, qui est un monde très poétique. Il faut ajouter à cela le fait que je suis quelqu’un d’un peu solitaire. Je suppose que cela m’a aidé à me débloquer et à faire du papier un interlocuteur.

Avez-vous d’autres projets littéraires, en shikomori ou en français ?

Ecrire en français non, en arabe peut être. Je voudrai bien apprendre l’arabe dans le but de pouvoir rêver en arabe. En ce qui concerne le shikomori, je voudrais d’abord mieux l’apprendre car c’est une langue très riche que je suis loin de maitriser parfaitement. Je prévois de publier encore si Dieu me le permet, car dès qu’on commence à écrire, on ne peut plus s’arrêter. L’écriture est une véritable drogue dont on ne peut se débarrasser facilement.

Vous voulez apprendre le shikomori ? Pourtant beaucoup aux Comores pensent qu’on n’a pas besoin d’apprendre cette langue…

Ils se mettent le doigt dans l’œil comme on dit. Même ceux qui veulent ou voudront travailler sur cette langue dans le but de la rendre officielle doivent passer beaucoup de temps à l’apprendre, à mieux saisir ses nuances. Avec le temps, notre langue s’est enrichie. Elle ne s’est pas contentée d’emprunter des mots, elle a adopté aussi des sons. A titre d’exemple, nous prononçons le « d » » de trois manières différentes : D (DouDou) comme en français, D (Dunia) comme en arabe et D (mbeDume) comme dans certaines langues africaines. Plus, j’apprends le shikomori et plus je me rends compte de mon ignorance. De nos jours, rares sont ceux qui peuvent se vanter de maîtriser notre langue.

Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime

Ibrahim Abdou El Mahad

2013 Coelacanthe, 62 P.


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